COUAC !
Allongé depuis plusieurs mois, le grand-père
attend de sa bru quelques soins salutaires.
Il revoit, de cette chambre, cette coulée de vie
qui lui assura jusqu’à cet âge avancé l’hallali.
Le Mt Leissières habillé de cérémonie l’attendait
pour un dernier repas, une soupe au lait.
Les rires des enfants adoucissaient les rudes tâches.
Il est l’heure de la traite des vaches.
Sa femme, compagne d’un passif esclavage
était partie vers le Sage de l’Age,
Ce qui avait alourdi son désespoir
jusqu’à l’acheminement qu’il connait ce soir.
Ainsi, se préparant à la tisane de colchiques,
il serre fort cette angoisse mélancolique.
Avoir accueilli ce qui vous donnera la mort …
L’ayant toujours su, il souffrit plus encore.
Résigné, évitant de penser à ce qui l’attendait,
il ferma ses paupières et expira sur l’imparfait.
Le bouillon finit dans l’évier de la cuisine,
la bru soulagée, éplucha ses aubergines.
Les hommes allaient rentrer des champs,
on habillera grand-père au soleil couchant.
Il n’attendit pas onze heures pour boire ce breuvage,
La mort voulut garder ses usages.
2 Octobre 1991 - Jeannine Castel