de Belledonne à Belledonne

D’un vert émeraude pâle, l’eau, ma fille,
Me dit de dormir, de jouer aux billes,
De vagabonder à nouveau sur des chemins,
Mais de ne plus pleurer pour des humains.
Au loin, la voix de Belledonne me dit,
De mon bureau où je survis :
« Si je suis là en face de toi ainsi,
Photo parvenue par un gentil ami,
Mon message, pour qu’il te parvienne,
Avait besoin de ce fils cheyenne.
Si arides te paraissent mes versants,
Si cruelle est ma neige aux repentants,
C’est qu’assaillie aussi je souffre en silence
Subissant sans arrêt leurs ignorances.
Mes glaciers d’été sont là en témoignage.
L’homme, ce conquérant, mon grand nuage,
Fait plaisir à ses sens, fait mal à mes chairs,
Endurcit sa frayeur, respire mes airs.
Me donne son courage, découverte renouvelée,
En échange d’efforts, de voies précipitées,
De rocaille, de pitons, de cordes, de pics,
D’évasion, de déclics.
Une fois le site vaincu, il repart convaincu
Que cette femme facile, muette, repue,
A eu plaisir à cet assaut passionné perpétuel
Qui, chaque fois, me laisse un éternel
Regret d’avoir cru différent
Le soupirant.
En Belledonne, je te promets
Que ces croquants vont fumer
Un calumet amer pour avoir trahi
Une poétesse, que nos lieux ont ravie.
Franche d’amour et de gaieté,
De vertiges, de courage, de générosité.
Regarde-moi, tu reviendras …
N’es-tu pas encore là ? ».
23 Septembre 1986
Jeannine Castel