L’aigrette garzette

… Le secrétaire prend la tangente aussitôt
Tandis que RISETTE suivie d’un gigot en lot
Salive à l’idée d’une sellette qui l’attend
En ce Café des Arts dont on parle tant.
«Par ici ! Pas de bousculade» siffle Martin.
Rassuré, un hippopotame se met en chemin.
Trois hautaines girafes boudent cette escapade.
«Nous verrons tout d’ici et même sans estrade !»
Des éléphants excités rappliquent dare dare,
Intriguent un rhino au bruit de leur fanfare.
Du Yellowstone enneigé au Pont de Gau
Retentissent les cris des animaux : « Go à gogo ! »
Un zèbre en hommage à ce café des Arts
Fait cadeau d’une toile d’un de ses avatars.
C’est toute une transhumance inégalée, spectaculaire,
Qui fait hésiter ce saurien arboricole solitaire.
Comment assurer la réussite de ces rencontres cannoises
Quand déjà gnous et crocodiles se cherchent des noises ? …
«Alors mon JULIO, t’as pas la pêche ?»
«Bof … c’est à cause de QUEEN, cette pimbêche !»
«QUEEN ? Une nouvelle copine ? Depuis quand ?«
«Depuis … depuis … depuis le printemps …»
«Et tous tes copains ? FIASKO … et la ribambelle ?»
«Depuis les fortes pluies … plus de nouvelles !»
«J’espère qu’ils vont bien ces petits trésors …»
«Je sais pas … peut-être qu’ils sont morts …»
«JULIO, c’est quoi qui te tracasse ?»
«Grand-mère, c’est la faute de cette bécasse.»
«Une bécasse ? Par ici ? Se serait-elle égarée ?»
«T’as rien pigé ! C’est QUEEN, cette tarée !
Elle m’a posé un lapin cette givrée »
«Et bien, d’une infidèle te voilà délivré !
Une de perdue dix de retrouvées !»
«Déjà pour une pas facile… comment la trouver ?»
«Elle est peut-être tombée dans une embuscade ?»
«QUEEN ? Qui voudrait de cette tocade ?»
«Alors, que fais-tu là à l’attendre ?
«Ouais, c’est ce que je voudrais bien comprendre …»
«Mieux vaut être seul que mal accompagné …»
«Ça y est ? Tu as inventorié toutes les toiles d’araignées ?»
«Tiens, c’est pas elle que j’aperçois là-bas ?»
«C’est pas QUEEN ! C’est KRAMBA !
«Ça c’est incroyable, KRAMBA ! Elle est venue !»
«Mais QUEEN ?» «Quoi QUEEN ? Cette fausse ingénue !
Je sentais bien qu’elle me ferait le coup du lapin !»
«Ce qui explique ton manque d’entrain du matin …»
«Du coup j’ai posé deux rencards en même temps …»
«Caramba ! JULIO tu es un redoutable prétendant !»
20 Mai 2022 – Jeannine Castel
La lune, après sa condamnation,
Décida de ralentir sa rotation.
À l’apogée, son orbite devint elliptique
Ce qui fut pour elle une révolution anomalistique.
Contrariée, ne pouvant changer d’atmosphère,
Elle s’enveloppa dans son manteau de poussière.
Pour cacher la régolithe de sa croûte lunaire,
Elle fit appel, demanda la grâce plénière.
Fille d’Hypérion et de Théia, sans rancune,
Elle invoqua la déesse romaine Lune
Qui prit en pitié cette Séléné, soeur d’Hélios,
Parcourant sur son char d’argent le cosmos.
Entre l’apogée et le périgée à des années-lumière
La Juge SWEET, au barreau, toujours solitaire,
Se souciait de cet ourson orphelin, selon l’enquête
Confiée à l’Assistante Sociale Mlle MINETTE
Dont les yeux et les oreilles n’avaient d’égal
Que ruses et aveux assurés devant un tribunal.
Tandis que Mlle MINETTE à l’affût de tout danger
Attendait patiemment la venue de son protégé,
La Juge SWEET perdue dans ses pensées, déçue,
N’avait pas trouvé, malgré l’élogieux courrier reçu,
De prétendant susceptible de tenter une approche.
« Ah !!! … que parfois la vie me semble moche …
Me voilà propulsée dans cette affaire d’un gavroche …
Abandonné par les siens, sans famille, dans les bois …
Adieu l’ivresse ! … Bonjour la gueule de bois ! …»
Au chaud dans sa cagoule en forme de cœur
Bordée de fine dentelle, offerte par un oiseleur,
Vêtue d’une capeline de plumetis, emmitouflée, sereine,
Dans ce nouveau décor pour une Marie Stuart souveraine,
C’est en Slovénie, au bord des Balkans de la Méditerranée,
Dans ce cœur vert de l’Europe, qu’enfin elle renaît.
« Ces bouffées d’air frais, ces immenses forêts de conifères !
J’hulule toute la journée de bonheur au risque de vous déplaire.
Toujours célibataire, demain j’ai un rendez-vous.
Je suis impatiente de rencontrer cet hibou.
Ici, sur ces sommets, pas de tam-tams à roulettes
Mais de grosses libellules au-dessus de nos têtes.
À part quelques curieux aux longues vues camouflées
Qui nous arrivent déguisés, transpirant, essoufflés …
Mais pardonnez-moi, je dois aller plaider tantôt
J’ai à relire et consulter une pile de documents et photos … »
21 Septembre 2020 – Jeannine Castel
Les poèmes de Chatnine
Photos : Gilles Thomas Bri Lions sur Facebook
En ce jour de la fête de la musique,
Ils accoururent nombreux, l’âme bucolique,
Alléchés par la renommée du groupe « Les babouins »
Qui mit le feu aux poudres jusqu’au dernier témoin
Dont je vous laisse le droit de deviner
Qui était ce héros potentiel pour dessins animés.
Narrateur de cet évènement sans précédent,
Acteur, il ne comprit pas tout ce déferlement
À cause d’une chanson écrite sur la fonction royale
Qui mit quelques lions dans une rage phénoménale.
Ces paroles, suspicieuses de quelques tyrannies,
Irritèrent leur cuir chevelu de réputation ternie
Qu’ils vengèrent dans une débandade incontrôlable
Invitant tous les excès par l’expression « À table ! »
De ces Rois, de leur prétendu Sage Ministère,
À l’égo surdimensionné auréolé par leur crinière.
Ils firent de ce concert un cauchemar dantesque,
Conflictuel entre Sacerdoce et Empire … ou presque.
Dans sa cachette, récitant de mémoire la tirade,
Notre contemplatif regarde en ajoutant à la sérénade :
«C’est ainsi qu’un grand roi voit croître chaque jour
Dans le cœur de son peuple, et le zèle et l’amour :
Cet amour pour sa garde est plus fort qu’une armée,
Et l’âme d’un sujet de ce zèle animée
Sert toujours à son roi d’invinciles remparts
Que sait rendre l’amour plus fort que ceux de Mars.
Tant de soldats, en vain semés dans les provinces,
Y pensent maintenir la puissance des princes ;
La force en cet endroit n’a qu’un masque trompeur :
Elle marque des rois la faiblesse et la peur.
Un prince environné de soldats et de gardes
Imprime la terreur avec leurs hallebardes,
Mais tout cet appareil et dont se sert un roi
Dans l’esprit de son peuple à jeter de l’effroi
Fait voir qu’un souverain, en régnant par la crainte,
En a comme un tyran le premier l’âme atteinte.
Un sage Ministère évite ces excès.»
« Les babouins » de leur scène aérienne achevèrent
Par ces mots dont les micros-échos grésillèrent :
«Oui, je vois ces défauts dont votre âme murmure,
Comme vices unis à l’humaine nature,
Et notre esprit enfin n’est pas plus offensé
De voir un homme fourbe, injuste, intéressé,
Que de voir des vautours affamés de carnage,
Des bêtes malfaisantes, des lions pleins de rage …»
Par peur des représailles, tapi dans son silence, murmurant :
«Il est bon de cacher ce qu’on a dans le cœur. Couvrant
L’illusion d’une politesse complaisante d’un rideau rouge
Aurait évité cette vision très noire saignant tout ce qui bouge.»
Alceste gardant l’anonymat, face à tout ce désordre public
N’eut pas envie, en toute franchise, d’être ce roi perché sur un pic …
21 Juin 2020 – Jeannine Castel
Les poèmes de Chatnine
Photos : Bri lions – Christine Covers – Tony Crocetta sur Facebook
Extrait du livre Le Poète et le roi de Marc Fumaroli.
Écrire encore de la poésie,
En cette mondiale ambiance cramoisie,
D’une nausée l’inspiration m’atteint
Saturée par les nouvelles et baratins.
Après ce confinement et ses cascades
Grossi d’anciens orages et tornades,
Menottée par des hauts pouvoirs
La France, étranglée, va à l’abattoir.
Lire encore de la poésie, quel drame !
Une prouesse de pirouettes en flammes !
Un jour triomphateur, l’autre un bras d’honneur …
Des lendemains qui puent le déshonneur.
Lire encore de la poésie, Messire,
Entourée dans un monde de vampires,
Sangsues ou morpions assoiffés de rimes
Le poète a-t-il droit à la déprime ?
Toujours plus fort, plus loin, plus jouissif,
Son rêve fracassé devient poussif.
Comme l’autruche, de sa belle plume
D’un parfum enfoui il s’enfume.
Mais ce qui me rassure, peut-être,
De ces applaudimètres de fenêtres
C’est qu’à la clé, au bout du compte,
Peau d’âne ou petit Poucet il n’est qu’un conte.
Un conte parmi tant d’autres sur les écrans,
D’imaginaires personnages sortis des rangs,
Que l’on feuillète pour endormir l’enfance,
Des bambins pris de fièvres de croissance.
C’est là toute la magie de ces muses
Qui jouent avec le poète, s’en amusent.
D’un torrent de boue le sauve, le conduit,
D’une échappée belle recouverte d’enduit.
Tel un cataplasme d’anciennes ventouses,
Un emplâtre sur ces terres farcies de bouses
Dans du papier grossier, emballage d’autrefois,
Je cherche désespérément ce « Il était une foi …
Un dos argenté criblé de balles est tombé
Dans cet amphithéâtre plus qu’embourbé …
Le cœur sec, les yeux souvent embués,
Je maudis, sans pitié, ce monde de nuées.
13 Juin 2020 – Jeannine Castel
Les poèmes de Chatnine
photos : Bri Lions sur Facebook
Quand Siri la belle se balade
Une haletante nuée d’œillades
D’amoureux épris la badent
Le cœur battant la chamade.
Son bijou cruciforme en pendentif,
Elle contemple ces regards oisifs,
S’arrête, regarde d’un air pensif
Ces prétendants contemplatifs
Qu’elle mène à la baguette,
S’inquiète de ces tam-tams à roulettes
Et de leurs rafales intempestives
Qui résonnent jusque dans ses narines.
Avec froideur, douce chaleur,
Selon l’humeur de son cœur
Siri la belle de leurs chaleurs
Parfois leur offre une fleur.
Au jeu du chat et de la souris
Elle observe ces curieux abris
Venus pour elle en safari
Sans rendez-vous ni compromis.
Quand Siri la belle décide d’une promenade
Seule, face à des nuées de camarades
Elle les envoute, les ensorcelle d’œillades
Fière de sa dernière tocade.
22 Octobre 2019 – Jeannine Castel
Les poèmes de Chatnine
photos : Bri Lions sur Facebook
Quand MOUSSE dort
KABIBI cher trésor
D’un pont d’or
Lui lègue son or.
Quand KABIBI dort
MOUSSE s’endort
Pour ce trésor
De luttes et de morts.
Quand MOUSSE rêve
KABIBI fait grève.
Aucun grief ne soulève
À cette féline relève.
Quand KABIBI rêve
Ni MOUSSE ni ÈVE
Vers elle s’élèvent.
Un conte s’achève.
Quand KABIBI dort
MOUSSE s’endort
Laissant cette image
Aux enfants de tous âges.
16 Octobre 2019 – Jeannine Castel
Les poèmes de Chatnine
Photo : Bri Lions sur Facebook