D’un froufroutant, renversant mannequin !
Dans l’indifférence des pêcheurs
Elle exhibe ses rachitiques rondeurs.
Sous une capeline ornée de plumetis
Que fait-elle sur cet étroit tapis ?
Sa ligne en forme d’haricot vert
L’aurait-elle détournée d’un autre univers ?
En guise de jupe, un tutu noir laisse voir
Ses longues jambes maigrichonnes aux bas noirs.
Le lac calme et silencieux, surpris lui aussi,
Ne reconnaît pas la feue passionnée Ophélie.
La mémoire de l’eau aurait-elle jusqu’à Annecy
Fait dériver cette filiforme somnambule endeuillée ?
Symbolique allusion à cette innocente fille noyée,
Cette image poétique, aquatique, au bord de l’onde,
N’est que l’écho des hautes montagnes à la ronde
D’un mythe jaillit sous les spots d’un défilé
D’un lac mélancolique, de sa source exilé.
Peut-être Bachelard sur cet esthétique corps féminin
Aurait allégorisé cette silhouette sans fin,
Métaphore funèbre de cette prisonnière des eaux
Dont l’âme erre vers l’Hadès ou autre Roméo.
Pas de tresses d’or sur cette douce folie …
Ce spectre hallucinant est-il celui d’Ophélie ?
Sur cet arbre flotte comme un mystère,
Penché sur l’eau glauque qui murmure austère :
« Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir «
Ces deux vers de Rimbaud pour la belle Ophélie
Ont comme un parfum de fleurs dégagé par ma dame en noir …