Au cœur des pinèdes

Broussailleux souvenirs
Accrochés aux passages
Désséchés par les soupirs
De scènes de ménage.
Dans le cœur des pinèdes,
Aérées de petits bonheurs,
J’ai trouvé une aide
À mes feuillus malheurs.

Opaque destinée foulée
De morts symboliques successives,
D’illusions vite refoulées
De mon âme sur le qui vive.
Des lambeaux sont restés
Aux futaies de mes épousailles
Emmêlées à ces broussailles
D’éclaircies et de retrouvailles.

À travers bois et forêts, 
Ma jeunesse, ici et là
Dispersée, a picoré
Le hasard et ses aléas.
La brume passagère
Revient parfois embaumer
Ce tapis de feuilles messagères
Que la vie a dégommé.

20 Avril 2021 – Jeannine Castel

Les poèmes de Chatnine
Photo copyright : Julien Meyrat PhotosArts

 

 

 

Un saule, quatre chaises, un table

Esseulé, le saule larmoie
Après les heures de joie
Passées autour de la table.
Elle aussi est inconsolable
N’ayant pour compagnie
Qu’un saule agité de dénis.

Il touche le sol, l’ausculte,
Marmonne de tendres insultes
Au silence sur leur solitude
Soumise aux hivers rudes
Dont on ne peut surseoir
Ni sur les chaises s’asseoir.

Il n’a rien d’autre à faire
Qu’attendre des jours prospères,
Ensoleillés pour des festivités
Autour d’une table d’invités.
De son ombre il cajolera les rires
Soulagé que ses sanglots expirent.

Un saule, quatre chaises, une table,
Un coin de jardin charitable,
Des verres vides ou pleins
Des imaginaires ou réels festins
De partages et de circonstances
Ensemble firent bombance !

22 Avril 2021 – Jeannine Castel

Les poèmes de Chatnine
Photo : Catherine Traynard

Les murailles de sable

Une muraille de sable menace
D’ensevelir cet éléphant plein d’audace.
Il traverse en solitaire ce désert
Où pâlit la lumière en ce brûlant désert
De la farouche Namibie, belle diablesse,
Au cœur friand d’éternelle sècheresse.

Impassible, il trace son chemin,
Fourvoyé par le mirage clandestin
Des eaux d’une oasis bienfaitrice
Défiant son corps robuste au supplice
Qu’une dune imposante accélère,
Ajoute une ombre à son calvaire.

Cet éléphant de brousse africain,
Aux pieds larges souverains,
S’est amadoué le sol sablonneux.
Ses coussinets en bons pneus
D’évasions rêvent sans cesse
Au sein de ces hautes forteresses.

Ses fringales de jeunes pousses
Le poussent sans arrêt à la rescousse
De buissons aux myrrhes montagneuses.
Sous l’emprise de son âme voyageuse
Il préfère, selon l’humeur, la nuit au jour
Pour déambuler parmi les hautes tours …

De ces murailles sableuses
Lunatiques, ensorceleuses,
Ridées, creusées par le vent
De tourbillons les soulevant
En tumultes et rebellions
Où errent parfois quelques lions …

 

21 Avril 2021 – Jeannine Castel

Les poèmes de Chatnine
Photo : Philippe Frey / Nomades du monde sur Facebook 

 

 

Le hoquet

Camargue gardoise
Cette Ibis falcinelle
Aux dernières nouvelles,
D’après la petite Framboise,
Souffrirait du hoquet !
Sa glotte désordonnée
De répétitives secousses
Fileraient la frousse
Car ses grandes becquées
Ont des spasmes coordonnés.
Elle alerterait sur son passage,
De ses musclées inspirations,
La nautique population
Victime de ses digestions.

Cette goulue, selon un pivert,
Stressée, avalerait de travers !
D’un brassage de courant d’air
Son estomac de liquide et d’air,
Affamé, dès les lueurs de l’aurore,
Manifesterait par ses cymbales sonores.
Suite à ce hoquet perturbateur,
Fautif de ses hauts-le-cœur,
Elle est moquée par la corneille :
“Ventre affamé n’a point d’oreilles !”
Irritée, l’Ibis falcinelle cisaille
Une imprudente victuaille,
Engloutit écailles et chair,
Envoie son hoquet prendre l’air !

22 Avril 2021 – Jeannine Castel

Les poèmes de Chatnine
Photos : KLIBI Sabri Photographies  » Artiste Photographe Compositeur «  sur Facebook

 

Les bouquets de pâquerettes

Bouquets de pâquerettes
Cueillis à la sauvette
Aussitôt fanées
Que mes jeunes années.

Une enjouée pie-grièche
Sur le tapis d’herbe fraîche,
Libre, zigzague allègrement
Prête à s’envoler rapidement.

Une attirante lumière
Pénètre dans la clairière.
Un oiseau de sa sérénade
Agrémente la balade.

Montcornet en Champagne-Ardenne
Aux forêts de paix souveraines.
J’allais sans penser à demain,
Aventurière, mon bouquet à la main.

En souvenir de mes randonnées
Les pâquerrettes effeuillent ces années.
La pie-grièche s’est envolée depuis
La margelle d’un imaginaire puits.

20 Avril 2021 – Jeannine Castel

Les poèmes de Chatnine
photo : Patrice DeCharleville sur facebook

 

 

La Warenne

Quand j’ai le cœur en peine,
Je vais au lac de la Warenne
Noyer mes soucis et chagrins
Dans ses eaux dont le trop plein
Reflète les nombreux nuages
De passants venus sur ses rivages.
Quand mon âme est plus légère
Je flâne vers Charleville-Mézières
À l’écoute de quelques échos
De son poète Arthur Rimbaud.
Est-il venu, lui aussi, engloutir,
Dans ce lac bouillonnant de soupirs,
Les illuminations de son Bateau ivre ?
J’aime à imaginer, ouvrant un livre,
Le voir d’un sonnet me déclamer
Quelques Voyelles pour sa bien aimée
Soleil et chair qui me ressemble
D’une Saison en enfer qui nous assemble.
Ce Dormeur du Val sur l’herbe étendu,
Repu, lassé d’abus de fruits défendus,
Près du lac, git éternellement assoupi,
Baignant dans son sang sur un vert tapis.
De mes haillons j’éponge désespérément
Le froid de sa poitrine de son côté giclant.
Les eaux du lac frissonnent à ces souvenirs.
La lumière pleut, mais il me faut partir
De ce coin de verdure énigmatique, poétique,
Après cette brève envolée nostalgique.
Je quitte à regret le lac de la Warenne
Où sans doute, l’âme de son ami Verlaine
Dérive sur ce bois mort, flotte sur les eaux,
De sa vie dissolue avec Arthur Rimbaud,
« L’homme aux semelles de vent »
Que j’abandonne pour les Hauts de Hurlevent  …

 

21 Avril 2021 – Jeannine Caste

Les poèmes de Chatnine
photo : Patrice DeCharleville sur facebookl

 

 

Jeu de miroir

Dans la brume bleuâtre,
Délaissée par le pâtre,
La baie du Mont St Michel
De son petit grain de sel
Fait miroiter son édifice
Sous la présence complice
D’un arbre en éventail
Lui offrant son gouvernail.

Émergeant de la rive,
Des tempêtes de Ninive,
Solidaire en cette pandémie
Saint Michel, face à l’ennemi,
Dans la cale de son bateau
Rassemble, sauve le troupeau
Alors que dorment encore
Les confinés matamores.

Le chant de quelques croisés
Chevauchant ces nuées rosées
S’élève de ce bras de terre
Reliant la baie au belvédère :

« Sous mon arbre comme Boaz endormi
Sur ces champs glanés par tant d’amis
Vivait heureux Robinson Crusoé
Rescapé de la barque de Noé.
Depuis ce jour, des moutons de panurge
Eurent besoin de prendre purges
Sous la forme de pèlerinages
Où tant d’âmes voyagent. »

Par cet insolite jeu de miroir,
Message d’espoir ou de désespoir,
LE Mont protégeant ses moutons
De cette belle image nous fait don.

19 Avril 2021 – Jeannine Castel

Les poèmes de Chatnine
 photo : Stephane.Levillayer Photographie sur Facebook

Quatre chats

Quatre chats m’incitent à la paresse,
Bloquent mes quartiers de noblesse
Tandis que la pluie de ses ivresses
Berce mes minous avec tendresse.

La couette, au moelleux abandon,
De sa chaleur retient ces fripons
Dont les idées en tête, au repos,
Kidnappent mes envies au trot.

Le bon Dieu sans confession
Je donnerais avec délectation
À ces quatre petits félins …
Le temps d’un signe de la main !

Paresse d’un moment éconduite
Un des chats a pris la fuite !
Pour trois chats rien ne presse !
Vaque, Vaque le fuyard en liesse.

Quatre chats sortis de leur paresse
Incitent mes quartiers de noblesse
À presser le pas vers la cuisine
Pour apaiser leurs musicales babines.

Intérêt et principal si commun
Des chats et de tout en chacun
Sous des eaux dormantes paressent
Quelque soit les quartiers de noblesse.

Bouge, bouge, Maîtresse !

 

17 Avril 2021 – Jeannine Castel

Les poèmes de Chatnine
Photo : Jeannine Castel

 

 

Journée de la Terre

Ombre et lumière
Tapissent l’atmosphère,
Ajoutent du mystère
À ce coin de la Terre
Dont la fête aujourd’hui
Cogne à nos huis.

Ses chimères noyées,
Elle vient festoyer
Sa source originelle
De cette belle aquarelle
Avant que l’humain
La détruise de ses mains.

De châteaux en Espagne,
Sur ses mâts de cocagne
L’eau sans profondeur dort …
Assombrie par les trésors
Dissimulés dans l’onde
Des appâts du monde.

Ombre et lumière
En hommage à la Terre.
Ses désolants naufrages
Subis par les abordages
De corsaires et flibustiers
Lui ont fait perdre pied.

Juste un reflet poétique
D’une Terre nostalgique
Mollestée de baguettes magiques.
Par les Univers empiriques
Ils l’honorent de baisers frénétiques 
 Adulés de leurs beautés oniriques.

 

22 Avril 2021 – Jeannine Castel

Les poèmes de Chatnine
photo : Patrice DeCharleville sur facebook

 

 

Le lac

Instants volés
Aux volets refermés
Suspendus à un vol
De poétiques envolées
Enfuies désormais.

La brume a recouvert,
Sur ce lac assagi,
Les passionnés vers
De défuntes nostalgies
Noyées par les hivers.

Les arbres de leurs bavardages
Racontent aux rivages
Les amours et marivaudages
Venus flirter avec les mirages
De ce lac dans les nuages.

Un lac enveloppé de mystère,
Aimé de la brume passagère
Troublée par les bergers et bergères
En tenue de folies bergères
Guinchés par ce morne naguère.

14 Avril 2021 – Jeannine Castel

Les poèmes de Chatnine
photo : Patrice DeCharleville sur facebook