L’arbre aux guépards
Sur mon tronc d’écorce craquelée,
Malgré mon vieux corps mutilé,
Trois guépardeaux hardis, endiablés,
S’agrippent à mes noeuds troublés.
Troublés par ces trois diablotins
Qui montent, descendent avec entrain,
Jugeant ce perchoir dénudé extravagant
Aux moignons dépourvus de gants.
L’un d’eux me serre très fort …
Au creux de mon épaule il s’endort.
Il s’endort après avoir essayé de déloger
Ma locataire, une belle chouette outragée
Par le culot de ces trois garnements
Qui squattent tous les logements.
Quand leur mère s’en va à la chasse
Je suis leur nounou, leur grande échasse.
Ils s’accrochent à mes parois abruptes
Pour se protéger des prédateurs, ces brutes.
Tantôt alpinistes, tantôt équilibristes,
Je suis leur tour de vigie des pistes !
J’ai abrité tant de fauves et d’oiseaux !
J’ai eu même un croco tué dans les eaux,
Hissé à mon mât de cocagne !…
Comme on dit : que le meilleur gagne !
Ravi dans mon dépouillement ultime
De servir à ces acrobates attirés par mes cîmes.
De leurs petites pattes ils me chatouillent …
Il y a bien quelques coups de griffes sur ma bouille…
Que dire ? Ai-je droit au chapitre en ces lieux
Face à tous ces squatteurs, grimpeurs malicieux
Qui ont fait de moi une auberge espagnole ?
Après leurs premiers pas ces adorables petits drôles
Me tiennent compagnie, le temps d’un souffle,
D’une étreinte … mais point ne les camoufle …
Mon feuillage s’est envolé avec les bourrasques,
Les décennies qui ont vécu diverses frasques.
Aujourd’hui me vient un regain de vitalité
Grâce à ces trois lascards et leur frivolités.
Si heureux de pouvoir sauvegarder leur liberté,
De les protéger le temps de leur puberté.
Quant à moi la foudre, peut-être un jour,
Viendra à son tour me conter ses amours.
28 Novembre 2018 – Jeannine Castel
Les poèmes de Chatnine
Photo : Philippe Frey / Nomades du monde
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